La menace des frères musulmans pour l'équilibre moyen-oriental
Les autorités israéliennes ont observé en silence l'ébullition de la rue égyptienne depuis le début de la contestation, mardi 25 janvier. Mais, aujourd'hui, les positions officielles se dessinent plus clairement : selon le quotidien Haaretz, Israël aurait fait parvenir un message aux Etats-Unis et à des pays européens, leur demandent de soutenir la stabilité du régime de Hosni Moubarak. "Stabilité" : le mot inonde la presse anglophone israélienne. Source LeMonde.fr (31/01/2011)
Après la « révolution de jasmin » (appellation contestée par les tunisiens) qui a bouleversé l’organisation interne du pouvoir et a mis fin au règne de Ben Ali après vingt-trois ans en Tunisie, il semble que le mouvement de contestation ne cesse de se propager au sein du monde arabo-musulman. Néanmoins, il faut impérativement éviter l’écueil de l’amalgame entre ces différentes revendications : l’Egypte n’est pas la Tunisie et sa position géostratégique induit qu’un quelconque bouleversement politique entraînerait une mutation des rapports de force au Moyen-Orient.
En d’autres termes, si la mobilisation tunisienne a permis de renverser un dictateur et a érigé le peuple en acteur triomphant, participant de la trajectoire historique du pays ; on ne saurait garantir un destin similaire à l’Egypte ou la menace d’une captation du pouvoir par les Frères musulmans ne cesse de préoccuper les Occidentaux, notamment Israël.
En effet, si cette hypothèse semblait au départ écartée vue la participation non revendiquée des frères musulmans aux manifestations, il apparaît que la donne tende à évoluer puisque les membres de l’organisation commencent à mesurer l’aubaine que constituerait pour eux un renversement du raïs peu importe les aspirations plus ou moins démocratiques du peuple.
Les frères musulmans sont la principale force d’opposition en Egypte et œuvre activement dans le domaine social (même stratégie que le Hamas dans les territoires palestiniens) ce qui leurs confèrent un rôle de protecteur de la société. Par conséquent, le peuple égyptien pourrait voir en l’alternative des frères musulmans, un moyen radical de rupture avec l’ordre initial et de garantie d’une amélioration des conditions sociales.
Si ce scénario s’avérait confirmé, les dégâts au niveau international seraient multiples, en particulier au niveau de la stabilité régionale déjà fragile. L’établissement des frères musulmans augmenterait notamment le poids du Hezbollah au Liban (déjà très conséquent) et du Hamas dans les territoires palestiniens. D’autre part, la position de l’Iran se verrait encore renforcée dans la région et dans le monde en général puisqu’il pourrait s’attribuer le titre de porte-parole du monde arabe face aux ennemis occidentaux, participant alors au renforcement du clivage civilisationnel entre le « monde arabo-musulman » et le « monde judéo-chrétien occidental ».
Cette menace des frères musulmans préoccupe tout particulièrement Israël dont les relations avec l’Egypte, plus ou moins normalisées pourraient être bouleversées avec la chute éventuelle du régime de Moubarak. N’oublions pas que l’Egypte collaborait de manière active avec Israël notamment pour empêcher la prolifération des tunnels souterrains visant à faire passer des armes d’Egypte vers Gaza. La sécurité israélienne est donc plus que mise en jeu, surtout depuis la rupture des liens diplomatiques entre Israël et la Turquie. L’Etat Juif ne dispose que de très peu d’ « alliés » dans la région et l’Egypte en fait partie ; c’est pourquoi les évènements égyptiens obsèdent tant le gouvernement israélien car quelle que soit l’issue de cette contestation, si Moubarak s’avère écarté du pouvoir, son successeur contribuera au bouleversement des équilibres au Moyen Orient et transformera les jeux de pouvoirs entre les différents acteurs.
Ainsi, les revendications des foules égyptiennes sont à surveiller de près bien qu’il soit trop tôt pour clamer d’ores et déjà la fin de l’ère Moubarak.
MB